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La gueule du bois

Dernière mise à jour : 21 sept. 2022

La plus belle pièce de bois que j’ai touchée dans ma vie est une des plus belle pièce que j’ai également vue. Comme souvent, c’est le hasard qui m’a fait tomber dessus, et c’est chez un vendeur de bois pas particulièrement orienté lutherie que je l’ai trouvée, et c’est peut-être ce qui m’a permis de l’acheter. J’ai appris avec le temps que le bois c’est comme les champignons ou les palourdes: si t’as un coin, ben tu dis rien… Donc on va dire que pour cette pièce, cela se passait dans les environs du quart sud-est de la France. Je débarque un matin après pas mal d’heures de route, suivant une intuition que je tiens de je ne sais où.. Je commence à faire le tour du parc avec le chef de chantier et je remarque dans un coin une série de planches d’érable, et quand je dis une série c’est exactement le cas puisqu’il sagit d’un tronc débité en planches et qui se suivent parfaitement au point de garder la forme originelle… Ça semble bien tout ça, je négocie le prix, et j’embarque LA MOITIÉ du tronc…

Arrivé à l’atelier, j’observe ma trouvaille, règle, gabarits et craie en main, je commence à tracer des formes de guitares, contourner les défauts, les noeuds, les tâches. et je remarque sur deux planche en vis à vis des indices qui me font dire qu’il y a des truc pas mal… je met un coup de rabot, et là je tombe de haut!

j’observe tous les plateaux un à un, mais aucun ne comporte ce que je vois dans ce coin. Je sors un gabarit et je trace deux demi guitares, juste de quoi faire un fond, un seul et encore, je n’ai pas droit à l’erreur…

Du coup voyant ça, et réalisant que je n’ai acheté que la moitié du tronc, je ne peux pas concevoir l’idée qu’il y a peut-être encore une partie identique ou presque qui m’attend à l’usine. Et me voilà reparti pour 6 heures de route, acheter le reste, et ramener le tout à l’atelier… sauf que… évidemment plus aucun dessin équivalent n’est apparu dans le reste des plateaux, des ondes oui, des moires aussi, mais un pommelage de cette beauté, rien. C’est pas grave, j’en ai fait une belle, une très belle guitare arch-top sculptée dans la masse à la manière des violoncelles, et en regardant bien, vous verrez que même les éclisses sont dans la continuité du bord du fond, et ça c’est la classe… j’ai hésité quelque temps à camoufler les deux petites taches sombres au milieu du dos, mais pour finir j’ai préferé les assumer, j’aurais même pu les virer avec photoshop, mais non… Un expert en bois m’a récemment raconté ce qu’étaient ces deux petites taches sombres: il s’agit de la réaction de l’arbre à une attaque d’insecte ou de champignon: à un moment, l’un ou l’autre à rencontré l’arbre, il a commencé à essayer de le coloniser, s’y installer, le parasiter. L’arbre à senti qu’il se passait une attaque, il a réagi en fabriquant des tanins mortels pour le parasite, il a créé une barrière de ce poison et à réussi à tuer son attaquant, au prix de ce petit grain de beauté inscrit à vie dans le bois… et dans la guitare qui contient maintenant ici le témoignage d’un acte de guerre.

Voilà, une petite histoire à tiroirs comme on en vit souvent dans la lutherie… Bonnes vacances!


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